Alexandre Berger, Directeur Solutions Logistique et Transport de Proximité du Groupe La Poste et nos experts d’adameo Guillaume Mullier et Amaury Jourdain De Muizon se sont réunis lors du webinar animé par Jean-Philippe Guillaume de Supply Chain Village – Le Média le 19 mai 2021 afin d’échanger sur les solutions rentables et écoresponsables du dernier kilomètre. Livraison du dernier km, commerce omnicanal, logistique urbaine… découvrez le replay de cette table ronde et sa retranscription ci-dessous.
Dernier km : quelles solutions rentables et écoresponsables ?
Pourquoi adameo et La Poste travaillent ensemble aujourd’hui sur la logistique du dernier kilomètre ?
Guillaume Mullier : adameo travaille sur les enjeux du dernier km et les enjeux de logistique urbaine, et accompagne les entreprises qui ont pour objectif d’abriter des stocks densifiés, de préparer des commandes rapidement, à l’aide d’une offre modulaire. La Poste propose un vaste panel de solutions opérantes aux clients d’adameo en ce sens. Un des projets concrets du moment est l’ouverture d’un premier site qui va servir de démonstrateur, et permettra de délivrer des solutions de livraison en moins de 2h. Il s’agit ici de mobiliser un ensemble de services et construire un ensemble de solutions de logistique urbaine sur mesure.
Le e-commerce en plein boom transforme considérablement le rapport qu’ont les gens au commerce. Comment évoluent les attentes consommateurs et comment cela impacte la logistique urbaine ?
Guillaume : On observe une diversification des modes d’achats (Click&Collect, point relais, livraison directe, etc.) et donc une multiplication des flux, devenue notamment complexe en centre-ville. Les consommateurs veulent du tout écologique mais des livraisons très rapides en même temps. Aujourd’hui, il est difficile de répondre à toutes ces demandes simultanément et le besoin de trouver de nouvelles solutions devient urgent. (Pour en savoir sur la Green Supply Chain, découvrez notre livre blanc)
En tant que cabinet de conseil en Supply Chain, adameo est de plus en plus consulté sur des projets pilotes : des grands magasins utilisés en plateforme avancée, l’optimisation du dernier km, la gestion d’outils pour la livraison en simplifiant la prise de rendez-vous, le SAV, la mutualisation des flux, logistique e-commerce… et tout cela en intégrant la notion de mobilité douce.
Comment combiner la demande de livraison du dernier kilomètre plus rapide avec les préoccupations environnementales ?
Alexandre Berger : Livrer vite pose beaucoup de questions au marché et aux acteurs du e-commerce. Pour La Poste, la question est de livrer vite mais comment ?
Trois possibilités s’offrent à nous :
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- Aller plus vite : cette option ne veut pas simplement dire rouler plus vite, ce qui serait écologiquement douteux et pas forcément viable économiquement. On peut par contre retravailler les schémas logistiques ou participer au développement de la livraison par drones. La mise en œuvre de ces solutions prend du temps et nécessite d’apporter d’autres réponses concrètes plus rapides.
- Partir avant l’heure : comment anticiper les commandes des consommateurs et les avancer dans les zones à livrer grâce à des algorithmes teintés d’intelligence artificielle ? Technologie prometteuse en mode nominale mais on a vu en 2020 qu’elle n’évite pas les crises, et l’impact environnemental des erreurs serait inacceptable…
- Partir de plus près : cette option ne nécessite que peu de technologie, elle s’appuie sur des réseaux de production, de vente ou de stockage à proximité. Plus près donc plus rapidement dans les mains du consommateur, en misant sur la production locale ou en adressant mieux les stocks des points de vente à proximité, mais aussi en avançant des stocks stratégiques dans de petites unités logistiques au cœur des villes.
Il y a par exemple des projets de petits entrepôts de 500 à 700m² en ville pour traiter de la pièce détachée urgente, répondre à un besoin urgent (ex : réparer un appareil médical) au cœur des villes telles que Paris, Lyon et bientôt Marseille.
Que faites-vous exactement à ce niveau à La Poste ?
Alexandre : Au sein de notre entité, Unité d’affaires Solutions Logistiques et Transport de Proximité, on conçoit des solutions différenciantes, qui ont vocation à diversifier nos activités. Elles sont basées sur l’évolution de la consommation et des besoins, comme la livraison plus fréquente sur des plus petites quantités. Les Supply Chain Manager sont confrontés à des demandes un peu nouvelles. La Poste apporte l’expertise de ses briques opérationnelles. En amont ou en aval de ces solutions Transport, on peut ajouter des actions qui peuvent être opérées par un postier, un tiers de confiance. Il a la capacité à gérer en amont des opérations de transport, des activités de tri, de stockage, la masterisation de matériel informatique ou en aval une solution transport : la veille sociale, comme apporter le repas aux seniors, ou la mise en service et l’installation de nouveaux smartphones. On donne le meilleur de La Poste, c’est-à-dire la proximité, service et le maillage, pour les besoins du groupe mais également pour des acteurs externes.
Est-ce toujours utile de livrer toujours plus vite, de servir le client aussi rapidement ?
Alexandre : Même si ce n’est pas toujours indispensable, livrer plus vite est devenu un schéma industriel. On ne vous laisse pas le choix de ralentir votre flux. Et si notre schéma industriel est fait pour la livraison rapide, il est difficile de passer à de la livraison lente. Alors on doit répondre à une diversité de questions instantanément : à quel moment le colis sort de l’entrepôt ? À quel moment je l’achemine vers le dernier km ? Qui garde le produit ? Qui peut massifier les stocks ? Là encore, on a des solutions : on peut avancer le produit, le concentrer et dès qu’on a suffisamment de volume, on peut respecter des délais J+1 ou plus. On va pouvoir livrer dans plus longtemps, ce qui est parfois plus difficile que la livraison du lendemain.
Comment évolue le cadre réglementaire et législatif ?
Amaury: Depuis la COP21, des mesures ont été décidées se traduisant par des objectifs bas carbone à l’échelle nationale. Des Zones à Faibles Emissions (ZFE) à Lyon, Paris et Grenoble depuis 2020, d’autres vont se multiplier d’ici 2022. Ces ZFE vont devenir obligatoires pour toutes les villes de plus de 150 000 habitants à partir de 2025. Les règles sont décidées au sein de l’agglomération. Ces zones ont pour but de limiter les émissions de gaz à effet de serre dans les zones concernées. Elles vont impacter les moyens de transport disponibles. On observe également le développement des voieries cyclistes.
Guillaume : Le cadre réglementaire des villes évolue très vite. D’où l’idée aujourd’hui de proposer des solutions avec le Groupe la Poste afin de réfléchir et travailler en agilité avec des solutions modulaires, massifier le flux en centre-ville pour l’éclater au dernier moment sur de la mobilité douce. Il faudra approvisionner le centre-ville piéton et pour cela, on se prépare en amont. Ainsi, en centre-ville, la mutualisation va être difficile à mettre en œuvre mais nécessaire. Il faudra se partager destination, avec une bonne information sur les flux. C’est une transformation culturelle qu’il faut préparer. Aujourd’hui, 60% des livraisons dans Paris ont un problème et ce sont 60 problèmes différents. Le commerce alimentaire en centre-ville pose aussi des questions : les Supply Chain vont devoir s’unifier pour massifier les flux. Tout ceci est déjà en mouvement.
Est-ce que tout ce qui peut être mutualisé au sein de La Poste l’est aujourd’hui ? Qu’est-ce que vous proposez à des sociétés extérieures au groupe ?
Alexandre : Nous ne sommes pas à l’optimum. La segmentation n’est pas aussi flagrante, on travaille tous les jours avec Chronopost, Stuart et d’autres. Les silos envisagés ne sont pas aussi rigoureux qu’on peut le penser. D’ailleurs, on a des solutions très pratiques à mettre en œuvre. Qu’est-ce qui permet de tenir la promesse client ? Ce qui est intéressant est plutôt de se dire, qu’est-ce qui fait la différence ? La route ? Le camion ? Le produit, le marketing ou la valeur ? Si d’un point de vue de la Supply Chain, ils peuvent répondre au besoin du client mais d’un point de vue du produit, être en concurrence, c’est parfait.
Dans l’idée de la mutualisation, on a plusieurs solutions. La plus efficace est d’être capable de faire profiter à des sociétés extérieures l’accès à des volumes proposé par La Poste. On va partout, on fait 130 000 prestations par jour. On optimise les tournées de livraison, on remplit davantage les flux descendants, de livraison ou les flux de collecte. Le transporteur revient non vide avec quelque chose qui doit repartir en ville : on optimise les retours.
On a par exemple une solution de messagerie multi-colis qui se niche entre le colis express et la palette (grands logisticiens). Il y a tout un tas de points de vente en tout genre et des sociétés qui ont des petits stocks et qui ont besoin de livraisons fréquentes en petite quantité. Cela nous permet de connecter les produits dans les entrepôts, de les concentrer, de les expédier partout. En même temps qu’on livre un colis à un particulier, on peut par exemple livrer les produits à un commerçant.
Qu’apporte la mutualisation aux entreprises ?
Guillaume : Des économies avant tout. Le coût du dernier km est devenu prohibitif. Certaines activités qui font du e-commerce sont en déficit, notamment dans le commerce alimentaire où une livraison peut coûter environ 15€. Il existe un ensemble de nouvelles solutions, on voit de nouveaux opérateurs qui avancent vers des concepts plus retail. Il y a des nouveaux drive piétons. Il y a l’enjeu de la multiplication du flux e-commerce mais souvent le consommateur est déçu : mauvais timing, retards etc. Cette solution de mutualisation entre opérateurs doit être acceptée, et sera construite en fonction du besoin client et du cadre réglementaire.
La mutualisation est-elle acceptée ? Comment gérer les contraintes ?
Alexandre : Ne pas remettre un véhicule de plus sur la route ! C’est la première évidence écologique à accepter.
Guillaume : Il faut libérer les contraintes, telles que les contraintes horaires, travailler avec les autres… Le consommateur veut tout moins cher, plus vite, sans pollution. Il y a deux tendances : aller vite avec un petit véhicule ou faire du slow-motion comme des start up avec la possibilité de planifier et organiser, et donc baisser le coût. Ceci devient rentable. L’avantage de la mutualisation dans la structure de coût est flagrant. Si on mutualise les outils (structure et véhicules), c’est moins de stocks, moins de véhicules, moins de chauffeurs, c’est donc optimiser les coûts mais aussi les impacts environnementaux.
Amaury : On va donc vers une solution à choix multiple pour le client qui choisit sa livraison selon son besoin. On peut payer une compensation carbone pour une livraison rapide ou justement opter pour une option moins chère. Le législateur peut être un levier. Il faut sensibiliser le consommateur final et lui laisser le choix.
Guillaume : On peut aussi penser aux autres transports comme les trains. Beaucoup de choses sont en progrès. Il faut penser cette logique combinatoire pour donner une réponse appropriée à la promesse client tout en responsabilisant le consommateur. Cela passe en effet par de l’information.
Rapprocher les stocks du consommateur, mettre en place des stocks de proximité, y compris automatisés… quelles sont les solutions pour répondre au défi des commerçants ?
Alexandre : En effet, il faut savoir mieux maîtriser ses stocks sur place et leur niveau. Notre but est de proposer des solutions pour des acteurs dont les volumes sont de toute taille. Il est possible d’utiliser des espaces en ville, La Poste est très bien dotée pour cela.
Guillaume : Il y a aussi des problèmes références à cause de cette augmentation du e-commerce. Or on n’a pas besoin de faire appel à un gros prestataire logistique lorsqu’on se lance, on peut commercer à faire du e-commerce facilement en rapprochant les stocks d’Internet dans les magasins ; on réfléchit à des nouveaux Business Model. Le magasin peut déclencher des commandes de La Poste et ainsi sera connecté directement à un niveau national et international. Ces solutions font de la place aux gros opérateurs de flux mais également aux petits commerçants, à l’artisan du coin de la rue. Toutes ces solutions rendent accessibles un e-commerce généralisé. Par exemple, on peut louer 1m².
La crise de la Covid a créé une rupture : une prise de conscience sur la nécessité de penser un nouveau schéma directeur, être plus résilient, construire des réseaux performants, viser des nouveaux marchés, repenser le schéma transport etc. Optimiser le dernier km a pour nécessité de casser cette structure pour rendre la livraison rentable, et potentiellement plus responsable socialement.
Pour en savoir plus, découvrez les missions de logistique urbaine que nous avons récemment menées auprès de nos clients :