Des personnalités éminentes du monde de la logistique et du transport en France ont inauguré l’ouverture de la SITL21, en mettant l’accent sur la transition énergétique.
Table ronde :
Jean-Marc Vittori, journaliste
Anne-Marie Idrac, Présidente de France Logistique
Julien Calloud, PDG de Jungheinrich
Clément Chandon, Product, Homologation & Institutionnal Relations Director chez IVECO France
Vittorio Battaglia, Président de GEFCO France
Revivez la conférence d’ouverture de la SITL 2021
L’engagement écologique dans la mobilité a fait l’objet d’une réelle prise de conscience depuis la crise sanitaire. Déjà la Convention citoyenne pour le climat constituant une assemblée citoyenne en octobre 2019 avait abordé les sujets du fret, de la réduction de la distance parcourue, du dernier kilomètre, et autres leviers pour la transition.
Anne-Marie Idrac, Présidente de France Logistique, a mis en lumière à l’occasion de l’inauguration de la SITL2021 l’importance de la logistique pour l’approvisionnement des marchandises. La logistique est un secteur atteint par une pénurie de personnel. Elle appelle aussi à engager les organisations vers un verdissement. « L’essentiel, affirme-t-elle, restera les camions, qui devront connaître un verdissement. Mais il faut l’ensemble des chaînes soient vertes, au service des territoires. » Les technologies ont beaucoup à faire mais les collectivités jouent un rôle important aussi, et nous poussent à imaginer d’autres modes de production.
L’alliance entre pouvoirs publics et acteurs privés contribuera à la compétitivité.
D’après Vittoria Battaglia, chaque société, comme GEFCO, a un rôle à jouer, doit être actif et promouvoir la responsabilité sociale. Il met en avant quelques problèmes phares, comme le fait que 98% du parc des poids lourds utilisent de l’énergie fossile, et des manquements sociaux, comme le temps d’attente des chauffeurs est de 2-3 heures avant le chargement et le déchargement. Selon lui, il existe plusieurs leviers d’action : développer la digitalisation pour la gestion des données et l’investissement dans la recherche et l’innovation notamment pour le transport. Il faut des véhicules plus propres, comme des tracteurs électriques, et la réduction des distances parcourues.
D’après Julien Calloud, PDG de Jungheinrich, « la logistique, c’est ce qu’on ne voit pas ». L’optimisation passera par 3 actions : compacter, accélérer et tracer. Il est nécessaire de tout rendre fluide, et cela concerne aussi le challenge des flux de données. Comment gérer l’interconnectivité essentielle entre tous les acteurs ? Certains progrès sont déjà là, selon Julien Calloud. « Les batteries lithium-ion sont déjà présentes, et ce depuis 2011. Ce sont des améliorations notables. » Il avance aussi la nécessité des machines à plus faible battement et l’atténuation de la pression foncière. Au sujet du développement durable, Julien Calloud aborde la mutualisation, l’éco-technologie et le débat sur les batteries et l’hydrogène, la sensibilisation à la consommation de composants recyclables, la filière du retraitement. L’automatisation permet de répondre à des besoins très calibrés également, de réduire son empreinte carbone et donc sa consommation. Les machines autonomes sont un vrai sujet.
Clément Chandon, de IVECO France, évoque l’impact des véhicules. La demande en véhicule non diésel atteint 50%. Aujourd’hui, il y a une augmentation des véhicules au gaz, fossile ou renouvelable. La France est la zone la moins diéselisée d’Europe, mais le transport roule au diésel à 95%, rappelle Clément Chandon. En revanche, 89% du non diésel concerne le gaz. L’hydrogène est également développé mais il n’y a pas encore de business plan. Les coûts sont beaucoup plus élevés que les autres alternatives. Comment répondre à l’objectif de l’absence des énergies fossiles d’ici 2040 ? Il rappelle que le « zéro émission » n’existe en fait pas. Les véhicules électriques, on le sait, n’entrent pas dans la catégorie « zéro émission ». Juger un véhicule revient à étudier son impact et sa consommation sur tout son cycle de vie, son cycle d’énergie, de la production à sa destruction en passant par sa vie sur la route. Comment optimiser pour mieux verdir ? Les investissements doivent toucher tout type de trajet et d’activité. Selon lui, il faut aussi utiliser à bon escient l’argent public, développer les technologies qui fonctionnent plutôt que celles non encore matures.
Anne-Marie Idrac rappelle la priorité donnée au transport modal. La Commission européenne a communiqué sur le fait qu’il fallait s’occuper de tous les transports. Selon elle, l’avion restera tout de même dominant. Il faut penser aux coûts d’exploitation que subissent les entreprises, afin d’imaginer les solutions viables. Taxer le diésel ne suffira pas, il faut donner aux entreprises de quoi augmenter leur marge de manœuvre pour développer les énergies (hydrogènes, etc.) car beaucoup d’alternatives sont au stade de projet mais pas encore applicables.
De plus, la réflexion sur d’autres modes, notamment le développement du transport fluvial et ferroviaire, mérite une grande attention. Les différents acteurs doivent aligner leur vision pour ne pas perdre trop d’énergie. Elle interroge :
Qui va payer la transformation énergétique ? Qui est le pollueur ? Le transport ou son acheteur ?
La transition écologique s’accompagne aussi d’une transformation économique et sociale. Il faut investir et penser à toutes les dimensions de l’investissement.
Le secteur du transport concerne les véhicules, les stations et l’énergie, rappelle Clément Chandon. Il y a trois solutions pour l’énergie : l’hydrogène, l’électricité et le gaz. « La France a le gaz, mais mise sur les deux autres » explique-t-il. Nos moteurs sont Made in France, et l’énergie vient de nos agriculteurs. L’électricité, certes décarbonée en France, nous fera perdre notre dépendance énergétique. Le gaz, confirme la Présidente de France Logistique, est le meilleur deal pour la transition.
Par ailleurs, le métier du transporteur est complexe : marge réduite, délais courts, chauffeurs mécontents, manque de main d’œuvre… il est alors difficile d’intégrer les nouveaux outils. La formation est primordiale : il faut trouver les bonnes personnes, recruter et former !
Anne-Marie Idrac rebondit sur la mise en valeur des métiers de la logistique, qui souffrent d’un problème d’image. Ils représentaient avant la crise 1,8 millions des emplois, aux compétences variées et un vrai ascenseur social à la clé grâce aux possibilités d’évolution. Maintenant, on ajoute les compétences technologiques en plus. Elle aborde le risque de dumping social.
Vittoria Battaglia, rappelle qu’il faut inclure tous les acteurs de la Supply Chain. Pour répondre à la pénurie de chauffeurs, il faut penser comment chacun travaille et comment améliorer le travail ? Il suggère la mise en place de terminaux, qui sont au nombre de 30 – 40 en France afin de faire le relais et réduire le temps d’attente, améliorer l’exploitation par des remorques digitalisées proches des zones de distribution et des tracteurs moins polluants, et favoriser le travail la nuit. Utilisons tous les avantages de la technologie pour une meilleure visibilité et une meilleure cartographie, afin de répondre aux enjeux pluriels : un meilleur taux de chargement, une bonne coordination entre chargeur et destinataire, etc. Il prend l’exemple des camions autonomes qui circuleraient la nuit. Aussi, les relations inter-entreprises sont primordiales. Donnons un impact positif à la pénurie.
Le Programme EVE de l’ADEME sur la période 2021-2023 vise à sensibiliser, former et accompagner les acteurs professionnels du transport et de la logistique (transporteurs, commissionnaires et chargeurs) à l’amélioration de leur performance énergétique et environnementale. Il contribue, d’après Anne-Marie Idrac, à l’amélioration du transport, avec notamment l’optimisation des tournées. « L’économie circulaire, c’est très bien si la logistique et le transport sont bien organisés, explique-t-elle, sinon c’est pire que tout. »
Elle évoque aussi la question des données. « De quelles données parle-t-on lorsqu’on parle de partager les données pour la logistique urbaine ? A-t-on envie de partager les algorithmes de données de livraison ? » La question d’anonymisation des usages est importante. Pour mettre en place la mutualisation le partage des données ne suffira pas tout de suite, il faut investir et bien savoir pour quel usage en amont. Vittoria Battaglia rebondit sur les avantages des plateformes digitales avec les informations nécessaires à l’activité.
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Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports auprès du Ministère de la transition écologique et solidaire, est intervenu pour inaugurer la SITL 2021. Il a adressé ses profonds remerciements aux acteurs de la logistique grâce à leur gestion de la crise sanitaire et leur rôle indispensable. La priorité absolue est donnée aujourd’hui à la décarbonation et au verdissement.
Les maîtres mots : accélérer, fédérer et décarboner !
« Accélérer dans nos villes, il y a beaucoup à faire sur le dernier kilomètre, les émergences des véhicules utilitaires légers (VUL) électriques, accélérer le développement des vélos cargos. » Il prend l’exemple de Londres qui a économisé 60% de temps grâce aux vélos cargos.
« Fédérer, penser au niveau européen, éviter la concurrence déloyale. » La Commission européenne s’est engagée depuis la publication d’un document le 14 juillet 2020, où elle présente sa stratégie de pour une mobilité durable et intelligente. C’est un élan pour l’Europe des transports. Le Ministre cite également le règlement pour le développement des infrastructures pour les carburants alternatifs du Parlement européen. « La France n’est pas en retard ! » Il appuie son affirmation par quelques arguments : plus de 700 000 bornes électriques pour recharger ses véhicules sont présentes sur le territoire.
« Décarboner : l’Etat souhaite encourager l’innovation des grands groupes, des startups, des ETI, des PME… »
L’Agence d’innovation pour les transports fait un appel à candidatures. De plus, Jean-Baptiste Djebbari insiste sur l’activité du fret ferroviaire, mis de côté depuis quelques temps. En France, seulement 9% des marchandises sont acheminées en train contre une moyenne de 18% en Europe. Le fret ferroviaire, c’est moins de bruit, moins de pollution, moins de congestion, moins de gaz à effet de serre, moins d’accidents. Le mode doit être pensé avec les autres secteurs. « Réconcilions le rail et les routes, et réussissons notre objectif de faire passer de 9 à 18% le fret ferroviaire d’ici 2030. Un acte a été promulgué cette année contre le dérèglement climatique. Une réelle stratégie nationale pour le fret ferroviaire est lancée, après consultations et concertations : 72 mesures pour répondre aux difficultés du secteur. Une nouvelle autoroute ferroviaire existe pour transporter des marchandises entre Perpignan et Calais. De plus, un plan de relance de 170 millions d’euros par an pour soutenir les opérateurs, notamment de SNCF réseau, a été acté. La reconquête du fret ferroviaire dépasse les frontières. 16 Etats membres ont validé l’initiative. Travailler avec ses homologues européens et la Commission européenne pour rétablir la compétitivité du rail est une véritable source d’opportunités. « Aujourd’hui, nous signons un pacte pour le développement du fret, avec entre autres comme signataire SNCF réseau. »
Pour en savoir plus sur le pacte.
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